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Héritières de l’Arte Povera ou d’un romantisme dépourvu d’esthétisme, les œuvres hybrides de la série Transfiguration unissent photographies de magazine, photocopies ou gravures religieuses du début du 20ème siècle à des fragments de matières végétales. Le processus créatif consiste en une juxtaposition expressionniste d’éléments disparates, tous fragiles et parfois détériorés. Certaines pièces sont serties dans de vieux cadres. Quelques unes font allusion à un livre fondateur dont chaque chapitre se trouve ainsi illustré ou simplement cité (le livre en question est un roman baptisé Scardanelli).

 

Issue du travail engagé en 2019 pour les séries Abdication et Offering, la série Transfiguration vient nous interroger sur la fâcheuse prééminence de la vue sur les autres sens (théorie chère à Joseph Beuys). De façon conceptuelle, chacune de ces œuvres dialogue avec une image préexistante : elle est soit recouverte partiellement de feuilles mortes, de textiles ou des plumes d’oiseaux, soit prolongée à l’encre noire ou à la craie. A la fois volontairement abîmée, contestée, disgraciée mais aussi renouvelée, augmentée, métamorphosée, l’ancienne reproduction imprimée d’une œuvre d’art devient œuvre à part entière.  Le geste est passionné parfois jusqu’au baroque, souvent se crée un nouveau cadre au sujet travaillé, souvent est offerte une autre dimension, une seconde vie, une plus grande disponibilité à une pièce ancienne. Le spectateur semble renvoyé à une réalité trébuchante, incertaine, à la dérive.

L’histoire de l’art est ici envisagée comme un vaste terrain de jeu et comme un dialogue : Sont revisitées des icônes célèbres ou méconnues, pièces réactualisées jusqu’à provoquer un doute sur le bien fondé de l’intervention, jusqu’à ouvrir une brèche vers d’heureux contresens synonymes de paradoxes. Ces pièces sont parfois des hommages rendus à tel réalisateur, écrivain, poète, actrice ou musicien (hommage/image), elles dévoilent parfois influences et inclinations de l’artiste. Au sein de ces assemblages composites confrontant et réconciliant photographie et art plastique, de hauts représentants de l’humanité côtoient de simples anonymes. Le temps s’immobilise là où s’ouvre une béance d’infinies significations. Le passé nous appelle. Le passé se bat pour exister encore un peu, il proteste, il s’affiche, il se dissimule, il s’indigne, il se transfigure pour s’offrir une fois encore à nos yeux fatigués.

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