Les œuvres de la série Abdication sont le plus souvent l’œuvre d’une seule personne, quelques unes sont issues d’une réflexion commune. Cette série est indissociable, jumelle et complémentaire de la série Offering.
Les matières élues dans le cadre de cette série sont les seules couleurs et les agents spéciaux d’une proposition plastique : On y reconnaîtra vélins gothiques à l’inestimable valeur sentimentale, tiges translucides, branches et brindilles felliniennes, terre, poussière, objets oxydés en voie de désintégration, ruban adhésif, cartonnages flétris de tableaux centenaires. Ainsi unies, ces matières dialoguent silencieusement et proposent des énigmes, des histoires, des itinéraires. Un grand nombre de ces pièces sont insérées dans des cadres anciens devenus partie intégrante de l’œuvre.
Certaines œuvres avouent une nostalgie du dessin, d’autres jouent le jeu d’une lisibilité synonyme de nudité d’où l’aspect parfois abstrait de ces pièces et leurs nombreuses interprétations possibles. D’autres encore se referment sur des fragments d’associations paradoxales. Chacune offre son commencement et sa fin, toutes incarnent une seule réponse à leurs propres questionnements. Ces œuvres sont des icônes d’avant le langage, des esquisses de carte au trésor, des instantanés d’une vie révolue tels ces objets poussiéreux retrouvés à l’intérieur d’une maison désertée depuis des années.
Une ellipse est en cours. Temps de mettre sous verre le cendrier en fer blanc utilisé de 1988 à 2019, temps de s’effacer. Le support est déjà l’œuvre en cours. Ici, en l’occurrence, c’est une porte d’étable ou de poulailler datant du dix-huitième dont le bois crachote une poudre orangée. La structure harmonique de l’œuvre évoque un sous-bois, quelque cortège végétal aux lignes de force bruineuses, une mise en scène évoquant le renoncement. On y reconnaît une feuille de peuplier argentée aux morsures semblables à celle d’un serpent ou d’un loup. Sous le halo du verre fumé apparaît quelque divine tragédie. L’ossature de l’œuvre se fige. Le rouleau de scotch se dévide et s’englue aux amas de poussières, tiges et débris de sureau poudreux.
Créer : Ne rien faire ou presque. Prendre ce que les autres ont laissé. Laisser se désintégrer le souvenir de la vie inaccomplie, ramasser branches, plumes et cailloux et ne pas laisser vos parents s’en saisir et s’en débarrasser. Accueillir le rêche, l’endolori, la prose spontanée du lacrymal. S’effacer.